Lettre d'opinion: Il est temps d’agir contre l’attente en orthophonie!

Les listes d’attente en orthophonie, vivement qu’on en parle ! Agir auprès de la bonne personne, au bon moment, c’est notre souhait le plus cher. Répondre aux besoins des enfants et de leurs familles est effectivement la raison d’être de notre profession.

Orthophonistes, chercheurs et politiciens sont tous d’accord que l’intervention précoce est la clé. Pourtant, cela fait de nombreuses années que les listes d’attente en orthophonie s’allongent.

Le programme Agir tôt permet de repérer plus rapidement les enfants qui présentent des difficultés langagières. Maintenant, il faut améliorer l’accès pour donner le bon service au bon moment. Ce sont les besoins des enfants et la recherche scientifique qui devraient guider le choix des modalités de service. La modalité d’intervention de groupe ne répond pas aux besoins de tous. De plus, une étroite collaboration entre les orthophonistes et les éducateurs spécialisés est essentielle pour assurer la qualité de la stimulation langagière.


Plusieurs enfants dépistés ont besoin d’une intervention très précise et ciblée qui nécessite l’expertise de l’orthophoniste. Nous déplorons également que les délais d’attente pour que ces enfants puissent recevoir une évaluation en audiologie soient très longs. Pourtant, l’évaluation audiologique est essentielle pour permettre à l’orthophoniste de déterminer la nature des difficultés langagières et s’assurer que les services offerts en orthophonie sont efficaces et adaptés aux besoins de l’enfant.


Nous avons bon espoir de pouvoir arriver à offrir des services accessibles et de qualité à tous les petits Québécois avec la volonté politique que le gouvernement exprime. Nous soulignons les efforts du programme Agir tôt, qui s’est concentré sur ce problème majeur, mais selon les orthophonistes et les audiologistes du Québec, il reste malheureusement beaucoup de chemin à faire !

Voici les éléments importants que nous aimerions mettre en lumière et les solutions proposées pour tenter de corriger le tir. Il est temps d’agir pour réduire les délais d’attente. Derrière chaque demande de services, un enfant en difficulté et ses parents attendent pendant que l’écart se creuse avec ses pairs. La problématique est à haut risque d’être complexifiée par des difficultés socioaffectives (problèmes d’estime de soi, de comportement, d’isolement, etc.), puis scolaires.

Nous déplorons les disparités entre les régions et entre les quartiers d’une même ville mentionnées dans l’enquête sur le programme Agir tôt parue dans Le Devoir du 30 mai dernier. En raison des listes d’attente interminables du réseau de la santé, plusieurs enfants ne recevront aucun service en orthophonie avant leur entrée à l’école.

Dans le milieu scolaire, les orthophonistes sont noyés par le nombre de demandes et doivent faire des choix déchirants. Ainsi, les élèves présentant des difficultés langagières et qui pourront recevoir des services sont des exceptions. La cause dans les deux cas : le manque important d’orthophonistes dans le réseau public. Pour expliquer ce manque, on entend à tort qu’il y a une pénurie d’orthophonistes. La réalité est toutefois que plusieurs d’entre nous désertent le réseau public ou même la profession.

Un pourcentage croissant de finissants, tant en orthophonie qu’en audiologie, décident d’aller travailler au privé, attirés par l’autonomie professionnelle, le pouvoir décisionnel accru et les conditions de travail plus flexibles. Plusieurs sont aussi rebutés par la lourdeur administrative du réseau public. Ces problèmes structurels finissent par diminuer le sentiment de satisfaction professionnelle, ce qui peut mener jusqu’à l’épuisement.

La complexité des procédures de demande de services entrave aussi l’accessibilité, surtout pour les parents présentant eux-mêmes des difficultés de langage.

Ainsi, il est primordial :

que les orthophonistes et les audiologistes puissent consacrer la majorité de leur travail à aider les enfants et leurs familles plutôt qu’à répondre à des contraintes administratives ;
qu’un ratio réaliste d’orthophonistes et d’enfants soit déterminé, respecté et adapté aux variables populationnelles (s’il s’agit d’un secteur défavorisé, par exemple) ;
que l’on favorise la rétention des orthophonistes et des audiologistes dans le secteur public avec une prime de rétention et de meilleures conditions de travail ;
que les salaires des orthophonistes et des audiologistes reflètent la complexité de ces emplois et le grand nombre de crédits (environ 80) à obtenir pour décrocher leur diplôme de maîtrise professionnelle ;
que les salaires des orthophonistes et des audiologistes soient comparables à ceux des autres provinces du Canada.
Pour le bien des enfants et le développement de leur plein potentiel, pour clôturer le Mois de l’ouïe et de la communication, offrez aux orthophonistes et aux audiologistes du Québec les moyens de réaliser leur plus grand rêve, celui de réellement agir tôt.


Valérie Giguère, Marie-Eve Beaulieu, Amélie Bleau et Cléo St-Martin
Les autrices sont respectivement : orthophoniste et présidente de l’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes (AQOA) ; audiologiste, leader du Groupe de travail sur la rémunération du secteur public et représentante en audiologie à l’AQOA ; orthophoniste et cofondatrice du groupe Entendez nos voix ; présidente de l’Association des étudiant·e·s en orthophonie et audiologie de l’Université de Montréal (ADEOA) et étudiante à la maîtrise en orthophonie.

Article publié sur https://www.ledevoir.com/opinion/idees/792125/idees-il-est-temps-d-agir-contre-l-attente-en-orthophonie

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